Source : Schin Loong illustration, The rose eater
Mon texte inspiré de l’image :
Des masques, une centaine de masques. Les murs de la boutique en étaient recouverts, ne laissant rien d’autres visible. Le foisonnement des visages s’ajoutait au rayonnement des couleurs et aux variations des matières. Lydia en restait bouche bée. Immobile sur le seuil, la main encore posée sur ses lèvres pour arrêter un éclat de surprise, elle avait les yeux ébahis. Elle n’avait même pas entendu la porte se fermer derrière elle, jouant à nouveau le tintement des clochettes accrochées à l’entrée. Comment avait-elle pu passer de si nombreuses fois devant cette échoppe et ne pas y venir. D’un pas lent, elle avança vers les petites étagères centrales qui rassemblaient des chapeaux et des plumes de toutes sortes. La jeune femme retint ses robes pour ne pas bousculer par inadvertance un objet. L’allée était étroite. Derrière elle, une autre étagère rassemblait une panoplie d’éventails, rivalisant de beauté avec les roses en papiers un peu plus loin. De la même manière qu’une petite fille découvrait une maison de poupée, Lydia détaillait les créations, les yeux pétillants.
— Auriez-vous trouvé un délice d’inventivité par ici, Madame ? demanda une voix masculine derrière elle.
Surprise, elle se redressa et faillit emporter avec elle un éventail qu’elle rattrapa de justesse. Par réflexe, elle se couvrit la moitié du visage en le portant devant elle pour cacher les rougeurs naissantes.
— Excusez-moi, Monsieur, bredouilla-t-elle, honteuse de ne pas s’être présentée au vendeur en arrivant.
— Je vous en prie, Madame, répondit l’homme avant de faire une courbette harmonieusement ajustée pour mettre en avant son chapeau à plume et son costume richement décoré.
Lydia remarqua alors qu’il portait un masque en dentelle de métal noir. Il couvrait seulement la partie haute de son visage, laissant un menton taillé finement en un v arrondi. Ses yeux, d’un marron clair, ne la quittaient pas.
— Cet éventail vous va à ravir, continua-t-il, puis-je vous montrer un assortiment de roses et de plumes qui accompagnerait à merveilles votre robe.
Il n’attendit pas sa réponse pour lui prendre sa main gauche et la poser délicatement sur son avant-bras afin qu’elle le suive. Il l’emmena un peu plus loin, devant une vitrine où des roses en papier mache s’enroulaient autour de longues plumes teintées. L’homme sortit une clef de son pourpoint et ouvrit la vitrine ; il en sortit une plume verte maintenu dans sa complémentarité par une rose rouge. Il l’épingla ensuite sur le haut de la robe de Lydia. La jeune femme aurait aimé retirer ce masque qui cachait le visage de l’homme. A défaut, elle abaissa son éventail et le laissa accrocher la décoration.
— Je vous l’offre, dit-il en reportant son regard sur elle.
Muette, Lydia le dévisageait. Il se rapprocha d’elle et dans un mouvement leste et rapide, il posa ses lèvres sur les siennes, en ôta un baiser avant de s’enfuir comme il était venu, mystérieusement. Il fallut une bonne minute à la jeune femme pour se rendre compte qu’elle était à nouveau seule. Égarée, elle chercha son chemin jusqu’à la sortie.L’air frais qui entra lorsqu’elle ouvrit la porte la ramena à la réalité.
–Attendez ! interpella quelqu’un derrière elle. Vous n’avez pas réglé la rose vermeille et la plume hardie.
Lydia se trouva face à un vieux monsieur, le gérant du magasin. Elle balbutia quelques mots avant de payer une forte somme pour garder l’ornement. Une fois dehors, elle se pencha sur la rose et la respira pour capter le parfum de l’homme qui lui avait offert.